WOLE SOYINKA, LE LION ET LA PERLE, 1959
INTRODUCTION :
Le lion et la perle est une pièce théâtrale de Wolé SoyinkaUn article de Wikipédia, l’encyclopédie libre. parue en 1959. Son auteur fait partie de ceux qui vont revendiquer l’authenticité du noir et la liberté de l’Afrique. C’est un écrivain nigérian célébre qui cherche aujourd’hui son inspiration dans la crise et dans le sang. Il est aussi l’un des héritiers véritables de l’antique civilisation yorouba, un créateur turbulent et quasi-romantique dont les frasques et les talents divers défrayaient la chronique dans la plus grande ville noire d’Afrique. Il était tour à tour, directeur de troupe, poète, professeur d’université et contempteur de la politique officielle. Il nous offre ainsi à travers cette piéce de théatre, une comédie de mœurs dans la tradition satirique de Molière.
I-PRESENTATION DE L’AUTEUR
Wolé Soyinka, de son vrai nom Akiwande Oluwolé Soyinka, est un écrivain nigérian né à Abeokuta le 13 juillet 1934. Soyinka grandit dans les milieux de la mission anglicane d’Aké. Ses parents (son père, directeur d’une école et sa mère commerçante) « chrétiens et occidentalisés » tiennent cependant à équilibrer l’environnement anglophone colonial dans lequel il évolue par de fréquentes visites dans le village natal de son père, à Isara en pays Yorouba.
Dans la bibliothèque familiale, Soyinka découvre la littérature et les écrivains anglais : son œuvre sera plus tard doublement influencée par la littérature européenne et par la culture Yorouba.
A 12 ans, Soyinka quitte Aké pour Ibadan et à l’âge de 18 ans, il entre dans la nouvelle Université d’Ibadan. Il étudie de 1952 à 1954. En 1954, attiré par le théatre, il va achever sa formation à Leeds en Angleterre où il obtient un « BA », l’équivalent d’une maîtrise en anglais. De 1957 à 1959, il continue son apprentissage européen en étant notamment Script-reader, acteur et metteur en scène au royal court theater de Londres.
A la même période, il compose deux de ses premières pièces, the swamp dwellers et the lion and the Jewell. Les deux pièces seront jouées à Londres et Ibadan. En 1960, il reçoit une bourse du Centre de Recherches de Rockefeller et retourne au Nigéria. Il crée sa propre troupe de théâtre appelée « The Mask » et produit une nouvelle pièce, A dancing in the Forest, à l’occasion des cérémonies d’indépendance du Nigéria. Soyinka défie la classe politique nigériane dans son œuvre par ses critiques et ses allusions aux disfonctionnements du monde politique sur le terrain dans la vie de tous les jours, ce qui n’est pas vu d’un bon œil par les autorités. En Octobre 1965, il est arrêté pour avoir contesté les résultats des élections lors d’une mission radio. Il est libéré en Décembre. En 1967, il est encore arrêté et passe 22 mois en prison pour son soutien aux sécessionnistes biafrais. Il racontera cette expérience dans A man died (1972), un de ses récits autobiographiques.
En 1952 Soyinka crée l’association “The Pyrate” à l’université d’Ibadan afin de combattre la mentalité coloniale. En 1962 il oppose au célèbre concept de négritude, fondé par Léopold Sédar Senghor, le concept de tigritude à propos duquel il dira « qu’un tigre ne proclame pas sa tigritude. Il bondit sur sa proie et la dévore. »[]. Wole Soyinka est emprisonné au Nigéria entre 1967 et 1969 pour avoir soutenu le mouvement d’indépendance du Biafra[2]. Vingt ans plus tard, il est condamné à mort par le gouvernement de Sani Abacha et ne rentre pas au Nigeria avant la mort de celui-ci[1]. Il est également l’un des co-fondateurs du parlement des écrivains et le président de la Communauté africaine de la Culture.
Prix Nobel de littérature
Wole Soyinka a été le premier écrivain africain à recevoir le prix Nobel de littérature en 1986. Il a produit une œuvre littéraire riche et variée. Son éducation, ses origines, et sa formation font de lui une exception dans le monde de la littérature. À propos de cette récompense, il déclare : « Il y a des gens qui pensent que le prix Nobel vous rend insensible aux balles, pour ma part, je ne l’ai jamais cru »[1].
Bibliographie
Enseignant, essayiste, poète (Idanre, 1967), romancier (les interprètes, 1963, Une saison d’anomie 1973), dramaturge (le lion et la perle, 1959 ; la mort et l’écuyer 1975), mémorialistes (Aké, les années d’enfance, 1981), acteur, éditeur, militant politique, Soyinka aborde tous les genres. Son écriture est ardue du fait, d’une part, des références constantes à la mythologie yorouba, d’autre part parce qu’il développe une rhétorique personnelle du combat et du doute pour surmonter l’aliénation culturelle et l’expérience carcérale.
L’œuvre de Wole Soyinka est écrite en anglais. Les ouvrages suivants sont disponibles en français (la date indiquée est celle de l’édition française) : Aké, les années d’enfance (1984), Cet homme est mort (1986), Une saison d’anomie (1987), Cycles sombres (1987), Les Interprètes (1991), La route (1993), Ibadan, les années pagaille. Mémoires : 1946-1965 (1999), La Barrière de jacinthes (1999), La Danse de la forêt (2000), Les gens du marais (2000), La mort et l’écuyer du roi (2002), Il te faudra partir à l’aube (2007)
II-ETUDE DE L’ŒUVRE
A-ANALYSE
Le lion et la perle s’inscrit dans le cadre du théatre contestataire. Il est anticolonial dans le fond comme dans la forme, un plat de négritude consommée. Il se caractérise par une dénonciation satirique de la colonisation, par l’humour, l’ironie et la caricature en nous offrant une comédie de mœurs. L’auteur du Lion et la perle peindra dans cette piéce les changements de mœurs qui pose des questions aigües dans l’ensemble comme dans les détails.
Soyinka recueille dans cette piéce les leçons occidentales en faveur d’un théâtre total. Mais il les a si bien recueillies que ces leçons rejoignent les plus profondes traditions les plus vifs de l’individu d’Afrique pour lequel tout récit se transforme en jeu expressif, en imitation. Et ceci sur tous les plans, jusqu’au niveau religieux, où le mythe s’incarne en représentation et en danse.
B-COMPOSITION ET RESUME
Le lion et la perle, est une pièce théâtrale qui se déroule dans un village au Nigéria, en Afrique. Le dramaturge y présente la lutte entre un homme de sagesse traditionnel, Balé, chef du village d’Ilounjilé, et de Lakounlé, un instituteur moderne, pour s’attirer les faveurs de Sidi, la plus jolie fille du village. C’est une représentation du combat entre tradition et modernité. Cette comédie de mœurs dans la tradition satirique de Molière, est composée de trois parties décrivant respectivement le matin des événements ou l’arrivée de l’étranger dans l’acte 1, le midi ou la nouvelle du roi dans l’acte 2 et enfin le soir dans l’acte 3.
- Acte 1 : C’est la description d’un matin dans le village. Sidi, portant un seau d’eau sur la tête, entre dans la scène. C’est une svelte jeune fille, aux cheveux tressés. Une vraie beauté du village. Elle tient le seau en équilibre sur sa tête avec une aisance consommée. Et presque aussitôt après son apparition, le visage du maître d’école apparait. Se dirigeant vers Sidi pour s’emparer du seau d’eau prétextant plusieurs raisons pour lesquelles elle ne devrait pas porter un seau d’eau sur sa tête. Ceci entraine une dispute jusqu’à ce que des hommes du village viennent les avertir que l’étranger était de retour et qu’il avait amerné avec lui les photos de Sidi que les villageois n’arrêtaient plus de contempler.
- Acte 2 : A midi, un chemin près du marché, Sidi, ravie est absorbée par sa contemplation de ses propres portraits dans le magazine. Lakounlé la suit, deux ou trois pas en arrière portant un fagot de bois à brûler que Sidi est allée chercher. Au milieu de la scène, ils sont accostés par Sadikou, venue apporter un message à Sidi de la part du roi, message dans lequel, le roi, Balé, demande Sidi en mariage par le biais de sa femme principale. Sidi répondra non à la demande sous prétexte que le roi veut juste gagner un certain prestige à ses côtés, parce qu’il lui a plut en voyant une photo d’elle dans le journal et que c’était à côté des latrines. Mis au courant de la réponse de Sidi, le roi va se confier à son épouse principale à qui il révéle qu’il est devenu impuissant.
- Acte 3 : Le soir, au centre du village, Sidi se tient à la fenêtre de l’école admirant sa photo comme précédemment. Entre en catimini, Sadikou avec un paquet assez long. Elle dévoile l’objet, on découvre que c’est une figure sculptée du Balé, nu et avec tous ses attributs. Elle le contemple un bon moment, éclate soudain d’un rire moqueur, installa la figure devant l’arbre, et commence à chanter en dansant. Sidi lui demanda avec curiosité pourquoi toute cette agitation et Sadikou de lui dévoiler le secret du Balé. Sidi à son tour, en profita pour aller dans la chambre du Balé avec l’intention de se moquer du roi. Toujours est-il qu’en voulant se moquer du roi, elle s’est fait prendre. On assistera à la fin de la piéce, à la célébration du mariage du Balé avec Sidi et Lakounlé abandonné à son sort.
C-L’ESPACE ET LE TEMPS
L’espace décrit dans le lion et la perle est le village d’Ilonjinlé, en pays yorouba, au Nigéria Occidental, dans une clairière en bordure d’un marché dominé par un immense spécimen de l’arbre « odan ». C’est le centre du village. Le mur d’une école de brousse borne la scène à droite, et dans le mur vers la scène s’ouvre, une fenêtre rudimentaire par où s’échappe quelques instants, avant le début de l’action, la mélopée de la table de multiplication. La scène deviendra par la suite la chambre de Baroka. L’histoire se passe au temps de la colonisation, au moment où les étrangers venaient et construisaient des routes et des chemins de fer pour faciliter le libre transport et le commerce.
D-LES PERSONNAGES
Sidi : C’est une très jeune fille non dépourvue d’esprit, pleine de répartie, mais très spontanée et superficielle, attirée par tout ce qui se présente, fascinée par sa propre beauté dont elle vient d’avoir la révélation. Elle en reste stupide et c’est ce dont profitera Baroka. Elle ne pense guère et adopte d’instinct le parti de l’opinion commune, c’est-à-dire du bon sens populaire, de la tradition. Elle paraît tenir à son indépendance, à son pagne, à sa coiffure de petites nattes tressées, à son port de tête, à son prénom africain, à la dot et au mariage rituel. Mais en ville, elle ne refuserait pas longtemps la robe, la perruque et les hauts talons. Quand la voix de la tradition se déguise auprès d’elle en voix du progrès, et que ces deux forces antagonistes, semblent s’unir pour célébrer sa beauté, elle ne peut résister au vertige qui la prend.
Lakounlé : Il a 23 ans. De prime abord, il paraît un personnage simple, la caricature de « l’évolué » dans son costume comme dans ses propos, fragments de Bible, de manuels scolaires et d’articles de journaux, plaqués sur la vie, récités avec cette entière (presque émouvante) naïveté du jeune africain qui veut tout changer, systématiquement, abstraitement.
Baroka : C’est le plus sage, le plus intelligent des personnages de la pièce. Sa morale, c’est son métier de roi. Il consistait à rester fort, à respecter le pacte féodal en donnant aux autres, paix et prospérité. Baroka s’y emploie consciencieusement. Pour le reste, il est sans illusion. C’est au mirage qu’il recourt pour séduire la jeune fille.
Sadikou : C’est un personnage relativement simple, la femme traditionnelle se satisfaisant de son sort, pour qui il existe un nombre de choses immuable. Elle est donc déconcertée, choquée, lorsque rien ne se conforme à la tradition dans les attitudes de Sidi ou de Lakounlé. Pour elle, rien ne saurait changer vraiment ; l’univers est plein comme un œuf. A part celui éternel de l’homme et de la femme, il n’ya pas de conflit. Elle parle en prose.
La favorite : C’est la dernière des épouses de Baroka à qui reviennent tous les privilèges et le patrimoine du roi après sa mort.
Un topographe : Il dirigeait les travaux publics qui voulaient faire passer le chemin de fer par Ilounjilé jusqu’à l’arrivée de Baroka qui l’en persuada.
Les écoliers : Ce sont les élèves de Lakounlé, participant aux événements du premier acte entre Lakounlé et Sidi.
Et enfin les musiciens, les lutteurs, les danseurs, les villageoises, les mimes, les prisonniers, les commerçants et tout le village.
E-LES THEMES
La thématique du lion et de la perle est riche est variée. Soyinka n’a fait que décrire réellement les mœurs de la société Africaine à travers les phénomènes de la colonisation. Ces mœurs constituent les thèmes transversaux minutieusement décrits dans cette piéce. Ce sont :
- La tradition et les coutumes
- Le conflit de générations
- La colonisation
- Le statut de la femme dans la société africaine
- La sagesse traditionnelle
CONCLUSION
Le lion et la perle est la peinture d’une société africaine à travers coutumes et traditions par la présentation de deux catégories différentes. D’abord Lakounlé l’instituteur, et Baroka, le roi traditionnel à travers leurs différences à voir les choses et à les interpréter. Ensuite entre Baroka et Sidi, où Sidi sait prendre la part des choses qui l’intéressent et sachent mettre en valeur sa beauté. De même qu’entre elle et l’instituteur.
La pièce a-t-elle une morale ? Soyinka a trop de talents pour avoir écrit une pièce à thèse. Bien sur la jeune Sidi, c’est l’Afrique ballotée entre le passé et l’avenir. Elle choisit le passé ou plutôt un certain passé la reprend à un certain avenir. Est-ce à dire que Baroka a raison et que les vieux chefs vallent mieux que les jeunes instituteurs ? En tout cas Baroka nous est présenté sans fard, comme un être bien vivant, avide de boissons et de femmes, interessé et cynique. C’est là tout le problème de la vérité et de la moralité dans cet œuvre remarquable.