LE SYMBOLISME
I-DEFINITION ET CARACTERISTIQUES
Le symbolisme est un mouvement poétique, littéraire et artistique qui s’est développé en France à la fin du xixe siècle. Il va s’imposer véritablement vers les années 1880.
Le symbolisme est moins un mouvement littéraire constitué qu’un courant de sensibilité, caractérisé par une certaine inquiétude métaphysique, par une croyance en l’existence d’un monde suprasensible et en un pouvoir révélateur de l’œuvre d’art, faisant ainsi du réel un univers de signes à déchiffrer. Les symbolistes accordent en outre une grande importance au travail poétique et font de l’harmonie entre le fond et la forme la valeur première de toute création. Sur le plan esthétique, ils s’opposent fortement aux courants réaliste et naturaliste.
L’une des caractéristiques particulières du symbolisme est l’utilisation du symbole (être ou objet représentant une chose abstraite) dans la création poétique. Pour les symbolistes, l’art doit aller au-delà des apparences formelles pour découvrir l’âme des choses et les plaisirs des sensations rares. Ils considèrent que le monde, loin de se réduire à la matière est constitué des représentations, des signes dont nous le peuplons. C’est dans ce sens que Baudelaire dira : « C’est cet immortel instinct du beau qui nous fais considérer la terre et ses spectacles comme un aperçu, comme une correspondance du ciel ». Les poètes symbolistes vont conférer au symbole une puissance mystique et vont en faire un moyen d’accès au monde des essences, au monde suprasensible. La poésie devient ainsi, une connaissance du monde et de l’homme comme le note encore Baudelaire quand il écrit : « C’est à la fois par et à travers la poésie, par et à travers la musique, que l’âme entrevoie les splendeurs situées derrière le tombeau ». A travers l’utilisation du symbole donc, le symbolisme montre cette part du monde sensible qui éveille l’âme au monde spirituel. La poésie devient un lieu de passage et le symbole le talisman qui nous ouvre la porte du monde invisible.
II-PRINCIPES ET THEMATIQUES SYMBOLISTES
Quelque soit l’orientation philosophique ou politique des symbolistes (idéalistes, mystiques, anarchistes, décadents), ils ont tous quelques principes poétiques similaires que sont :
- La croyance à une face cachée des choses : Le rôle du poète symboliste est de déchiffrer le sens de l’univers grâce aux correspondances qui font passer du monde visible au monde invisible d’où le culte de l’idée et du signe. Il réussit le tour de force à provoquer en nous la sensation de l’objet évoqué sans nommer celui-ci.
- Une peinture suggestive: La réalité est changeante et fluctuante. La vie est un mouvement, la fixer, c’est la tuer. La réalité intérieure est un monde fermé à nos sens. On ne peut l’atteindre que par des intuitions vagues. Donc, le poète impuissant à fixer le réel se contentera de la suggérer. Le poète, au lieu de décrire directement les choses, les évoque à travers les sensations pures qu’elles ont suscitées en lui, d’où la préférence accordée aux impressions sur la représentation figurative ;
- L’exploitation des artifices du langage pour faire du poème une musique.
Pour suggérer le réel, le poète emploie des mots. Mais les mots ne sont pas seulement des signes, ils sont aussi des sens et des sonorités. La poésie aura ainsi autant de force que la musique.
Dans la poésie symboliste nous retrouvons presque les mêmes thèmes :
- Le rêve et son analyse : les poètes imaginent un autre monde dans lequel, l’individu retrouve des souvenirs, des sensations oubliés. Le réveil y est décrit comme un arrachement et une nouvelle raison de fuir un réel où il paraît impossible de trouver sa place.
- La relation amoureuse : elle est représentée comme une fusion sensuelle et mystique (thèmes de la chevelure, du baiser, des corps qui se fondent). La femme peut porter à la fois l’amour et la mort et peut prendre des identités inquiétantes.
- Les manifestations de la nature comme le crépuscule, l’automne, l’eau qui vont jouer un rôle important dans l’état d’âme du poète.
III-ART SYMBOLISTE ET GRANDS AUTEURS SYMBOLISTES
- L’art vit de symboles :
Les écrivains symbolistes se proposent d’éveiller l’âme au monde spirituel et de suggérer, à travers le symbole, la réalité invisible. Cette ambition se déploie dans une poésie hermétique où le sens est démultiplié par la polysémie des mots et l’ambiguïté d’une syntaxe disloquée, empêchant toute interprétation univoque. Le lecteur est ainsi invité à participer lui-même à la création de l’œuvre. Il faut lire les symboles d’un même idéal
Les symbolistes usent du vers impair et inventent des mètres nouveaux et vont jusqu’au vers libre. Ils jugent que la cadence régulière l’alexandrin n’est pas apte à traduire leur musique intérieure. Ils adoptent le poème en prose qui exprime mieux les ondulations et les soubresauts de l’âme.
- Les principaux animateurs :
Les principaux précurseurs français du symbolisme sont les poètes Charles Baudelaire, Paul Verlaine, Arthur Rimbaud et surtout de Stéphane Mallarmé.
Charles Baudelaire est considéré comme le poète de la modernité : il fait une synthèse magistrale entre le lyrisme romantique et le formalisme du Parnasse. Avec la publication des Fleurs du mal en 1857 qui lui ont values une condamnation pour atteinte au moral public, Baudelaire montre le tiraillement que connaît l’âme humaine entre le bien et le mal, ce qu’il appelle « Spleen et Idéal ». Ainsi, Baudelaire va rompre avec les effusions faciles des romantiques et le culte de la perfection formelle des parnassiens. Selon lui, le poète a pour mission de transfigurer le réel, d’en dégager la beauté, d’en dégager « les fleurs du mal ». La poésie devient pour lui un art de suggestion, une sorcellerie évocatrice et des correspondances secrètes entre la nature et l’âme humaine par la magie du rythme et de la musique du vers, l’artiste parviendra à nous communiquer les sensations les plus subtiles. Par sa théorie poétique et sa mystique des « correspondances », il proclame l’existence d’un autre monde masqué par le monde sensible, qu’il leur appartient de déchiffrer.
A travers leurs innovations, d’autres poètes ont remarquablement marqué ce mouvement. Il s’agit entre autres de Lautréamont, de Paul Verlaine, d’Arthur Rimbaud et surtout de Stéphane Mallarmé.
Paul Verlaine reste dans l’histoire littéraire comme le poète de la musicalité. Grand amateur de vers impairs, assez inusités, Il dira que le poème doit être « De la musique avant toute chose » et sait se libérer des contraintes stylistiques antérieures. La poésie devient musique suggestive et parvient avec l’utilisation des symboles subtils à évoquer des états d’âme à demi-consciente, presque insaisissable, indéfini ; des rêves, de la nostalgie, du malaise, de la béatitude…
Quant à Rimbaud, il accentue l’aspect surréel du symbolisme cherchant à créer un langage accessible à tous les sens rompant ainsi avec les traditions de la forme poétique. La production poétique de Rimbaud fut très éphémère : il commence à écrire à 16 ans et s’arrête à 21 ans. Arthur Rimbaud fait du poète un « Voyant », un « alchimiste du verbe », conférant à la poésie un pouvoir magique, celui de révéler les réalités essentielles cachées au commun des mortels. Il écrit en ce sens : « Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant. Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens ». Sur le plan formel, les écrits de Rimbaud sont plus audacieux et plus révolutionnaires que ceux de Baudelaire, puisque le poète affiche un mépris précoce et définitif pour les formes régulières et traditionnelles, comme l’alexandrin ou le sonnet.
Le plus connu des symbolistes fut Stéphane Mallarmé, considéré comme un maître et le chef de file du mouvement. Il conçoit la poésie comme un domaine réservé aux seuls initiés puisque celle-ci est d’essence mystérieuse et insaisissable. Il pousse très loin son exigence d’absolu en voulant faire de la poésie une langue tout à fait neuve, où l’objet nommé disparaît au profit du mot qui le nomme : le poème est alors défini comme absence. C’est ce qui explique que ses poèmes sont très hermétiques. Il écrira en ce sens : « Nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poète qui est faite du bonheur de deviner peu à peu ; le suggérer, voilà le rêve. C’est le parfait usage de ce mystère qui constitue le symbole : évoquer petit à petit un objet pour montrer un état d’âme, ou, inversement, choisir un objet et en dégager un état d’âme par une série de déchiffrements. »
Sur le plan formel, avec la parution des Chants de Maldoror de Lautréamont (Isidore Ducasse) en 1869, ce poème en prose contribue à la libération de la forme poétique. Ainsi les auteurs symbolistes, se lanceront dans l’aventure du vers libre. Le poème est appréhendé comme une forme autonome, définissant, à chaque vers, son mètre, sans respect de la rime, au profit de la musicalité de la langue.
CONCLUSION
Au moment où Jean Moréas publie un manifeste littéraire consacrant la naissance de l’école symboliste, les grands poètes qualifiés du symbolisme sont morts (Baudelaire, Lautréamont) ou ont cessé de produire (Rimbaud) ou encore ont donné essentielle de leurs œuvres (Verlaine, Mallarmé).
Même s’il est de courte durée, le symbolisme a permis de montrer que la poésie ne doit plus être un discours rationnel, une effusion sentimentale, mais exprimer ce qui est inaccessible à la science car dépasse l’art et le simple.