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AHMADOU KOUROUMA, LES SOLEILS DES INDEPENDANCES, 1968

INTRODUCTION

Les Soleils des Indépendances Ce roman peut être classé dans la rubrique « Roman du désenchantement », selon Jacques Chevrier. Le terme désenchantement signifie un ensemble de productions littéraires où s’analysent les grandes désillusions des Africains. Alors fidèles à leur projet de redonner à l’Afrique sa splendeur culturelle, de corriger les différentes malversations nées après les indépendances ; les intellectuels Africains par le moyen des différents genres littéraires ont dénoncé les maux qui gangrènent la société africaine. Ces maux ont pour nom tyrannie, la corruption, le népotisme, le vol, le despotisme, le laxisme…


En réalité Les Soleils des Indépendances au-delà des devoirs de Fama, traduit des mutations sociopolitiques des bouleversements des structures traditionnelles, des illusions d’un peuple africain qui se sont effondrées dix ans après les indépendances. Ahmadou Kourouma ne prétend pas aux témoignages. Cette œuvre romanesque est nourrie d’une réflexion sociologique. Elle nous rappelle dit Jacques Chevier que « toute mutation politique s’accompagne inéluctablement d’injustice et d’échec humain. »

Personne n’est épargnée dans cette critique qui frise par moment la satine : le pouvoir politique en place est incarné par des cupides et des tyrans, quant aux pouvoirs traditionnels, il n’est pas un marabout, un griot, ou un féticheur qui ne soit corrompu ou repu. Il offre un récit tinté d’ironie, d’humour et quelque part même d’une amertume dans une tonalité absurde et insolite et dans un style matoir avec des proverbes, des expressions locales, des scénes brochés rapidement… On voit comment dans cette œuvre il excelle dans sa tentative d’intégration d’éléments narratifs à l’oralité dans un roman de facture occidentale. En effet selon Kourouma, ce roman est un défi lancé à un de ses amis en traduisant le Malinké en Français créant ainsi u « Français Malinké ». Il avoue d’ailleurs dans l’Afrique littéraire et artistique que : « ce livre s’adresse à l’Africain. Je l’ai pensé en Malinké et écrit en Français en prenant une liberté que j’estime naturelle avec la langue classique… Qu’avais-je donc fait ? Simplement donné libre court à mon tempérament en distordant une langue classique trop rigide pour que ma pensée s’y meuve.

J’ai donc traduit le malinké en Français en cassant le Français pour trouver et restituer le rythme africain » Grosso modo nous savons qu’avec les indépendances, les Africains avaient espéré des jours meilleurs. Mais leur espoir n’a été qu’une illusion.

I - L’AUTEUR

Ahmadou Kourouma est né à Boundiali (cote d’ivoire) en 1927. Il passe son enfance en Guinée, à Togobala (un des cadres du roman). Il fait ses premières études dans son village natal, puis à l’école primaire de Binger ville avant d’être reçu à 20 ans au concours d’entrée à l’école technique de Bamako. Il passe deux ans. Mais il sera renvoyé de l’école à cause de ses activités politiques puis enrôlé de force dans l’armée. Après son refus de participer avec son bataillon à des répressions, il est emprisonné, dégradé et désigné d’office pour l’Indochine. Trois ans après, on le retrouve à Paris puis à Lyon où il a repris ses études : il est diplômé de l’institut des Actuaires en 1959 et se marie en 1960. Soupçonné d’actions subversibles, il va commencer une série de voyage au Cameroun, au Togo, en Algérie, en France. Plu tard il reviendra en Cote d’Ivoire où il est nommé sous directeur d’une banque. Il est mort en 2003 en France. Sa vie littéraire est essentiellement marquée par la publication de quatre œuvres maitresses : Les Soleils des Indépendances (1968), Monné outrages et défis (1990), En attendant le vote des bêtes sauvages (1998), Allah n’est pas obligé (2001). Mais il a aussi écrit une œuvre théâtrale Tougnantigui (octobre 1976).

II - LES SOLEILS DES INDEPENDANCES

1 – RESUME DE L’ŒUVRE

Dans ce livre le narrateur raconte l’histoire de Fama Doumbouya : « véritable prince malinké né dans l’or, le manger, l’honneur et les femmes ; éduqué pour préférer l’or à l’or pour choisir le manger parmi d’autres et coucher sa favorite parmi cent épouses ». Mais ce prince légitime du Horodougou se voit déchu avec les indépendances et « se trouve réduit à travailler dans les obsèques et les funérailles au milieu des griots à l’affût d’une aumône.» A ce lot de misères, il s’ajoute que sa femme Salimata est stérile malgré tous les sacrifices et les prières qu’elle a consenties.

A la mort de son cousin Lacina, alors chef de Togobala, son village natal, il s’y rend pour les funérailles et héritera de sa quatrième épouse Mariam qui le suivit à la capitale. A partir de ce moment, la vie lui est rendue difficile par les querelles incessantes de ses deux épouses (Mariam et Salimata). Un soir, fatigué des hostilités féminines, il sort en pleine nuit et est arrêté et fut arrété par des militaires puis fut condamné pour divers motifs à 2 ans de réclusion criminelle. A sa sortie de prison déçu et trahi par ses épouses Fama tente de rentrer à Togobala. Malheureusement, la frontière est fermée. Il tente de forcer le passage et poursuivi par le garde, il plonge dans le fleuve et sera mortellement blessé par un crocodile. Il est transporté à l’hôpital et meurt en cour de route.

2 – STRUCTURE DE L’ŒUVRE

L’œuvre est composée de trois parties de longueurs inégales :

  • La première partie

Elle est composée de quatre chapitres ainsi intitulés :

Chapitre 1 : « la mollesse et sa déhontée façon de s’asseoir » (page 9-19). On y présente la mort d’Ibrahima Koné et ses funérailles. Ici apparait le personnage de Fama vivant de l’argent distribué au cours de ces cérémonies.

Chapitre 2 : « sans la senteur du goyave verte » (page 20-31). Dans ce passage c’est la figure de Fama qui domine. Il est présenté dans ses activités quotidiennes avec sa vie de misère.

Chapitre 3: « le cou chargé carcan hérissé de sortilège comme le sont les piquants acérés, les colliers du chien chasseur, de cynocéphales » (page 32-57). Ici apparait la figure de Salimata. On y présente les épreuves qu’elle subit, excision, le vide dont elle est victime mais aussi les aigreurs de son ménage et de sa vie.

Chapitre 4: « où a-t-on vu Allah s’apitoyer sur un malheur » (page 58-78). C’est toujours le récit des difficultés de Salimata. Généreuse en offrande et déçu par une série de vols ou de trahisons (le marabout).

  • La deuxième partie

Elle compte cinq chapitres :

Chapitre 1 : « mis à l’attache par le sexe, la mort s’approchait et gagnait, heureusement la lune perça et le sauva » (page 81-91) dans ce passage on présente la mort de Lacina et les préparatifs de Fama pour aller à la cérémonie funèbre mais aussi les propositions que Salimata fait à son mari pour rester et assurer la chefferie.

Chapitre 2 : « marcher à pas compté dans la nuit du cœur et dans des yeux » (page 92-104). On y raconte les difficultés du voyage de Fama, passage monotone, arrogance des douaniers, l’étape pénible de Bindia mais aussi l’enthousiasme et les émotions des retrouvailles à son arrivée à Togobala.

Chapitre 3 : « les meutes de margouillat et les vautours trouèrent ses cotés, il survécu grâce au savant Balla » (page 105-119). C’est le récit des malversations des colons où on retrouve en filigrane le ton de la dénonciation. On y présente aussi les rituels et les croyances religieuses Bambara et l’enterrement de Lacina.

Chapitre 4 : « les soleils sonnant l’harmattan et Fama avec des nuit hérissé de punaises et de Mariam furent tous pris au piège, mais la bâtardise ne gagne pas » (page 120-137). C’est la cérémonie du 40° jour des funérailles, Fama domine ce chapitre. C’est un prince aimé à Togobala, un prince à l’écoute de son peuple, un prince qui rend visite aux malades et fait des prières pour la paix mais voilà commencent les difficultés financières de Fama.

Chapitre 5 : « après les funérailles exaucées, éclata le maléfique voyage » (page 138-147). Le récit se focalise sur les rites, les mœurs sociales, les croyances religieuses lors de la cérémonie du 40° jour des funérailles. Le narrateur y dresse un tableau sombre des conséquences de la colonisation, de la perte des valeurs morales, de la conjoncture économique mais aussi du retour de Fama et de Mariam à la capitale sous un très mauvais présage.

  • La troisième partie

Il ya deux chapitres dans cette partie :

Chapitre 1 : « des choses qui ne peuvent pas être dites ne méritent pas de noms » (page 151-189). C’est l’arrivée du couple dans la capitale et le cadre étroit qui les accueille. C’est le récit des querelles et des jalousies hystériques entre Salimata et Mariam. C’est aussi le récit de l’arrestation et de la torture de Fama er sa condamnation.

Chapitre 2 : « ce furent les oiseaux sauvages qui les premiers comprirent la portée historique de l’événement » (page 170-196). Dans ce passage Fama est gracié mais malade déçu, trahi, il tentera de rentrer à son village natal et sera surpris par la mort.

3- LES THEMES

Le thème dominant dans cette histoire est la critique des mœurs sociales et politiques et les bouleversements des structures traditionnelles imposés par le système colonial. Ainsi beaucoup de thèmes lui sont tributaires.

  • Les valeurs traditionnelles et leur mode de fonctionnement.
  • Les bouleversements sociaux et politiques.
  • Vie et réalités sociales.
  • La violence et la torture.
  • Les pouvoirs tyranniques.

Mais tous ces thèmes ne sont-ils pas quelque part la lecture d’une vie caduque et finalement absurde. 

4- LES PERSONNAGES

Le héros la figure dominante dans cette histoire est celle de Fama Doumbouya. Personnage principal du récit, c’est l’image du prince déçu sujets de multiples tribulations, il tentera une dernière réhabilitation et meurt désillusionné.

Salimata : elle incarne l’image de la femme traditionnelle travailleuse dévouée mais malheureuse parce que victime de la tradition et des croyances, elle préfère la fuite.Mariam : est tout à son opposé, jeune, belle, pleine de vie, elle trahira son mari.A coté de ses personnages principaux, on retrouve une pléthore de personnages parmi lesquels Tchékoura le féticheur, Abdoulaye le marabout, Bakari l’ami infidèle, Lacina le roi défunt, Balla, Diakité, Ouédrago, Souleymane, Séry, Diamourou, Tomassi, Matali, etc.…

CONCLUSION

Dans ce roman, nous pensons que Kourouma montre les effets néfastes de la décolonisation. Mais comme le titre l’indique, l’œuvre est dominée par les illusions que la population avait avec l’arrivée des indépendances. En effet, prenant le personnage de Fama, un prince qui était riche avant cette période d’indépendance et qui était obligé de vivre dans cette « batarde de bâtardise » (indépendance) avec le commerce dans des cérémonies, montre que les indépendances n’ont été qu’illusions. Dans un autre cadre, nous voyons qu’à la fin du roman, il y’a (et…), ce qui nous fait penser que le romancier avait des projets pour continuer l’œuvre.

Enfin, Kourouma y évoque aussi les traditions africaines avec un « français malinké.»


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