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ALBERT CAMUS, L’ÉTRANGER, 1942

INTRODUCTION

Cette étude qui a pour objet de proposer une lecture de L’Etranger d’Albert Camus est une interprétation de divers symboles par lesquels il cherche à représenter son système philosophique ou précisément celui qu’il met en œuvre dans Le Mythe de sisyphe. Il n’est pas superflu de rappeler que L’Etranger est comme une mise en image du mythe de Sisyphe. Si dans ce dernier ouvrage il tente de donner claire conscience du concept d’absurdité, dans le premier il s’agit de « dévoiler » l’absurdité du monde, de susciter le sentiment de l’absurde dans le but de provoquer une réaction en sa présence, un état d’esprit qu’il désigne par terme de révolte. Par rapport à ce double objectif, il met en contribution ses talents de romancier dans la technique du récit et de styliste (technicien) de langue.

I-BIOGRAPHIE ET BIBLIOGRAPHIE

Albert Camus (1913-1960) est un écrivain français et l’un des principaux acteurs de la vie intellectuelle française de l’après-guerre.

Né en Algérie dans une famille très modeste, orphelin de père, Albert Camus commence des études de philosophie qu’il ne peut achever car atteint de la tuberculose. Il soutient cependant en 1936 un diplôme d’études supérieures, « métaphysique chrétienne et néoplatonisme ». Parallèlement, il participe à des projets dramatiques, adaptant ou jouant des pièces de théâtre.

À partir de 1938, Camus embrasse le journalisme, d’abord à Alger (Alger républicain, Soir républicain), puis à Paris (Paris-Soir), où il s’établit définitivement en 1942. C’est là que paraissent simultanément et dans la clandestinité le roman l’Étranger et l’essai le Mythe de Sisyphe (1942) ; deux œuvres remarquées qui exposent la philosophie de Camus et s’inscrivent dans ce que lui-même appelle le « cycle de l’absurde » (cycle que viendront par la suite compléter les pièces le Malentendu, 1944, et Caligula, 1945). Réformé pour raisons de santé en 1939, Camus joue un rôle très actif dans la Résistance, au sein du mouvement Combat. À la Libération, et jusqu’en 1947, il est le rédacteur en chef du journal Combat, aux côtés de Pascal Pia. Il se met aussi au service des grandes causes humanitaires internationales.

Il n’en poursuit pas moins son œuvre littéraire à un rythme soutenu avec, notamment, la création de ses pièces le Malentendu (1944) et Caligula (1945), puis la publication de son roman la Peste (1947), qui inaugure le cycle de la révolte et de la solidarité, dont font partie l’État de siège (1948) et les Justes (1949), mais surtout l’Homme révolté (1951). Ce dernier essai est à l’origine de la rupture définitive entre Camus et Jean-Paul Sartre, puisqu’il souligne clairement les divergences des deux écrivains sur la question de l’engagement.

Il publie ensuite la Chute (1956), où il revient sur sa rupture avec l’existentialisme, ainsi qu’un recueil de nouvelles, l’Exil et le Royaume (1957) ; deux œuvres d’où émanent plus que jamais la nostalgie d’une altérité oubliée. La même année, il reçoit le prix Nobel de littérature pour « avoir mis en lumière les problèmes se posant de nos jours à la conscience des Hommes ». Le 4 janvier 1960, alors qu’il travaille à un autre roman, le Premier Homme (posthume, 1994), il se tue dans un accident de voiture.

II-ETUDE DE L’ŒUVRE

A-STRUCTURE ET COMPOSITION

L’Etranger se compose de deux parties de longueur sensiblement égale. Cette composition binaire est porteuse de sens car selon l’auteur lui-même « Le sens du livre tient exactement dans le parallélisme des deux parties »

  • La première partie

Elle se déroule au mois de juillet et les événement s’enchainent et s’accélèrent. La vie de Meursault est faite d’une suite de fait et d’instant très divers qu’il raconte avec détachement. Ainsi deux jours seulement l’intéressent parmi les dix jours de bureau, il relate ses jeux dans la rue et dans l’eau les moments qui l’ont intéressé et qui ont rendu sa vie morne. Un accent particulier est aussi mis sur ses retrouvaille avec Marie, la rencontre avec Raymond et à la mort de l’arabe. On note que Meursault opère des choix même s’il ne dit rien d’important. Dans cette partie la description morcelée mais elle est essentiellement marquée par la léthargie de Meursault.la vie routinière ne sera rompue que par les coups de feu qui tuent l’Arabe et brisent par la même occasion l’harmonie du paysage. Le héro n’a aucune emprise sur les événements, il est presque enjoué du destin, jette quelque part au hasard dans un monde qui n’a pas de sens, un monde absurde.

  • La Deuxième partie

Elle s’installe sur plusieurs mois et couvre essentiellement la période de l’instruction et du procès. La description de cette partie est très synthétique. L’instruction n’intéresse pas Meursault qui continue à travers l’existence en étranger. Mais cela ne l’empêche pas pour autant de décrire avec précision la mort de l’Arabe. Après sa condamnation Meursault prend conscience de sa situation et développe une profonde réflexion existentielle : il aboutit à une conclusion simple ; « se sauver ou mourir ». C’est l’occasion pour Camus de souligner chez son héro une véritable sagesse terrestre. Dans cette partie Camus met en évidence l’histoire d’un individu qui après plusieurs mois de prison examine son passé avec curiosité. Le récit prend dès lors une vision d’ensemble ou se détache un certain nombre de fait et de réflexion. En définitive, la vision binaire de « l’étranger » permet à Camus de répertorier les différentes séquences de vie de son héro pour en montrer les aspects répétitifs, routiniers et imprévisible avant d’engager une intense réflexion sur le sens que l’homme peut bien donner à sa vie. Il est clair pour Camus que la vie est absurde mais rien ne vaut la vie car on peut s’y aménager des instants de bonheur.

B-RESUME DE L’ŒUVRE

Le narrateur, Meursault, employé de bureau à Alger, apprend que sa mère est morte, dans un asile. Il va l’enterrer sans larmes, et sous un soleil de plomb qui ne fait qu’augmenter son envie d’en finir avec la cérémonie. De retour à Alger, il va se baigner et retrouve une ancienne collègue, Marie. Ils vont voir un film comique au cinéma, et elle devient sa maîtresse. Un soir, Meursault croise Salamano, un voisin, et est invité par Raymond, un autre voisin de palier. Ce dernier, ancien boxeur, lui raconte sa bagarre avec le frère de sa maîtresse, et lui demande d’écrire une lettre qui servira sa vengeance. Quelques jours plus tard, Raymond se bat avec sa maîtresse et la police intervient. Meursault accepte de l’accompagner au commissariat.

Invité par Raymond à passer un dimanche au bord de la mer dans le cabanon d’un ami, Masson, Meursault s’y rend avec Marie. Après le repas, les hommes se promènent sur la plage et rencontrent deux Arabes, dont le frère de la maîtresse de Raymond. Ils se battent et Raymond est blessé. De retour au cabanon, Meursault le tempère et lui prend son revolver, pour lui éviter de tuer. Reparti seul sur la plage, il retrouve par hasard le frère, qui sort un couteau. Assommé par le poids du soleil, il se crispe sur le revolver et le coup part tout seul ; mais Meursault tire quatre autres coups sur le corps inerte.

Meursault est emprisonné. L’instruction va durer onze mois. Il ne manifeste aucun regret lorsqu’il est interrogé par le juge, aucune ne peine lorsque son avocat l’interroge sur les sentiments qui le liaient à sa mère. Le souvenir, le sommeil et la lecture d’un vieux morceau de journal lui permettent de s’habituer à sa condition. Les visites de Marie s’espacent.

Le procès débute avec l’été. L’interrogatoire des témoins par le procureur montre que Meursault n’a pas pleuré à l’enterrement de sa mère, qu’il s’est amusé avec Marie dès le lendemain et qu’il a fait un témoignage de complaisance en faveur de Raymond, qui s’avère être un souteneur. Les témoignages favorables de Masson et Salamano sont à peine écoutés. Le procureur plaide le crime crapuleux, exécuté par un homme au coeur de criminel et insensible, et réclame la tête de l’accusé. L’avocat plaide la provocation et vante les qualités morales de Meursault, mais celui-ci n’écoute plus. Le président, après une longue attente, annonce la condamnation à mort de l’accusé. A son avocat qui demandait : « Enfin est-il accusé d’avoir enterré sa mère ou d’avoir tué un homme ? », le procureur de répondre « J’accuse cet homme d’avoir enterré sa mère avec un cœur de criminel ».

Dans sa cellule, Meursault pense à son exécution, à son pourvoi et à Marie, qui ne lui écrit plus. L’aumônier lui rend visite, malgré son refus de le rencontrer. Meursault est furieux contre ses paroles, réagit violemment et l’insulte. Après son départ, il se calme, réalise qu’il est heureux et espère, pour se sentir moins seul, que son exécution se déroulera devant une foule nombreuse et hostile.

C-ANALYSE ET INTERPRETATION

Dans la première partie du livre, Meursault ne refuse pas la société car il s’y aménage des espaces moins monotones, même s’il n’a pas la même vision du monde et des choses que la société. A la fin du livre il est totalement lucide et comprend qu’il est condamné parce qu’il refuse d’accepter les choses comme elles vont. A la manière d’Antigone, il doit se dire qu’il aurait pu vivre plus simplement et la vie aurait pu être simple. Camus a pris prétexte de son roman pour soulever les questions fondamentales du 20ème siècle. Meursault, ce sont tous les lecteurs, ce sont tous des hommes qui vivent dans un mystère opaque, quotidiennement écartelés entre leur désirs profond de liberté et les interdits, les normes d’un monde préalablement dessiné et qui donne la tentation de s’évader. La vie sur terre débouche sur un constat d’échec et l’homme s’interroge sur le sens qu’il donne à sa vie, sur ce qu’il faut faire et espérer dans une société où de plus en plus il devient étranger.

Voici ce qu’il écrit en 1955 dans la préface à l’édition américaine. « J’ai résumé l’Etranger il y a très longtemps par une phrase dont je reconnaît paradoxale. “Dans notre société tout homme qui ne pleure pas à l’enterrement de sa mère risque d’être condamné à mort. Je voulais dire seulement que le héros du livre est condamné parce qu’il ne joue pas le jeu ». En ce sens il est étranger à la société où il vit, il erre en marge dans les faubourgs de la vie privée, solitaire, sensuelle et c’est pourquoi des lecteurs ont été tentés de le considérer comme une épave. On aura cependant une idée plus exacte du personnage plus conforme en tout cas aux insertions de son auteur si l’on se demande pourquoi Meursault ne joue pas le jeu. La réponse est simple, il refuse de mentir. Mentir ce n’est pas seulement dire ce qui n’est pas. C’est aussi surtout dire plus que ce qui est. Et en ce qui concerne le cœur humain, dire plus qu’on le sent. C’est ce que nous faisons tous les jours pour simplement la vie. Meursault contrairement aux apparences ne veut pas simplifier la vie, il dit ce qu’il est, il refuse de masquer ses sentiments et aussitôt la société se sent menacer.

Que reproche-t-on au fait à Meursault ? Pourquoi est il condamné a mort ? Qu’est ce qui fait de lui un étranger ? De quel crime la société le juge t-elle coupable ? La condamnation de Meursault repose globalement sur le conflit entre la liberté individuelle et l’ordre social, entre l’individu et le collectif. Les reproches qu’on lui fait sont les suivantes :

  • Refus de voir sa mère morte selon le concierge qui voulait lui dévisser la bière la veille de l’enterrement.
  • Il avait reculé devant ce qui lui avait l’air d’un rite donc il avait failli à la convenance.
  • Il avait fumé devant sa mère morte.
  • Le lendemain de l’enterrement, il est allé au cinéma avec Marie (Nouvelle conquête) pour voir un film comique.
  • Il a empêché Raymond de tuer, mais il est revenu pour tuer l’Arabe.

Au total Meursault est condamné non pour avoir tué un être vivant mais pour avoir refuser de se soumettre aux conventions sociales. Il est coupable parce qu’il a refusé les choses comme elles sont et « D’avoir enterré sa mère avec un cœur de criminel ». C’est ce qui fait qu’il sera jugé comme un être monstrueux.

D-LES PERSONNAGES

  • Le héros Meursault :Il vit une triple solitude : physique, car ayant un repaire de relation amicale très mince ; morale, puisque ses concepts sont différents des valeurs auxquelles la société s’attache ; philosophique, parce que tout lui est égal.

Toutes ces actions sont fondées sur une vision personnelle des choses. C’est pour cela que Camus écrit : « On ne se tromperait pas en lisant dans l’Etranger, l’histoire d’un homme qui sans attitude héroïque accepte de mourir pour la vérité »

Meursault ne choisit pas ses amis. Ce sont plutôt ceux-ci qui le choisissent. Il ne s’intéresse à eux que dans la mesure où ils peuvent lui servir à quelque chose, les conservations avec Raymond Sintès, l’amour physique avec Marie. La restauration avec Céleste… le seul personnage à qui il semble le plus proche est le vieux Salamano qui a vécu la même expérience que lui. Ceux qui prétendent sauver Meursault sont ceux qui parviennent le moins à le toucher. C’est le cas du juge et de l’aumônier qui cherche à le convertir. Il y a aussi le vieux Perez et le directeur de l’Asile qui s’assure de sa condamnation en insistant sur son insensibilité. 

  • Les personnages secondaires: Les autres personnages ne sont des silhouettes, des personnages de faire-valoir, car ils n’ont aucune épaisseur en dehors de leur relation avec Meursault. D’ailleurs il sollicite son amour ou son amitié. C’est qu’ils sont vus à travers le regard du personnage-narrateur. Cela fait supposer que Meursault avait une vie déserte.

Raymond : Il sollicite l’aide et l’amitié de Meursault. Meursault lui écrit sa lettre de vengeance. On ne sait rien de lui, s’il veut utiliser Meursault ou s’il cherche un ami sincèrement. Est-il un vaurien ? On sait qu’il est un souteneur (entremetteur ou proxénète) nous l’avocat général. Il va donc être son premier ami après la mort de sa mère
Marie : Elle est la compagne épisodique de Meursault, sa « maîtresse ». Elle a la peau brune, gaie. Dans la deuxième partie du roman, elle est quasiment absente et Meursault lui-même se demande si elle ne donne pas « sa bouche à un nouveau Meursault ». Aussi se demandera-t-on si Meursault même aime Marie. D’ailleurs quand on lui a parlé de sa maîtresse, Meursault ne savait pas qu’on lui parlait de Marie, car il ne la considère pas comme telle. Lorsque Marie lui demande s’il l’aimait, il lui répond qu’il ne savait pas. En tout dans son cœur, Marie n’y était apparemment pas.

Les autres comparses sont Céleste, Salamano et le vieux Perez. Salamano est le voisin de palier de Meursault. Ce que Meursault retient de lui c’est qu’il pleurait la perte de son chien. En comparaison avec lui, qui n’avait pas pleurait lors de la mort de sa mère. Il constitue un banc d’essai pour tester les sentiments de Meursault, quant à la réaction de quelqu’un qui perd un être cher. Perez est le seul homme qui ait pleuré la mort de madame Meursault, ce qui fait qu’il devient un témoin en charge dans le procès de celui qui n’avait pas pleuré la mort de sa propre mère. Ce personnage est donc important pour juger le côté moral du héros.

Les arabes font partie du décor des personnages, permettent de situer l’action dans un pays arabe, ici Alger. Et le fait que le héros en tue un est déjà un signe de culpabilité (le racisme est sous entendu). Les autres membres de la société : on a le directeur de l’asile de Marengo, le patron de Meursault, le juge, son avocat, l’aumônier. Meursault éprouve un peu de sympathie pour le directeur de l’asile et l’avocat général, ne comprend pas le jeu de son propre avocat et refuse la prière de l’aumônier. Aussi se met-il en marge de la société.

E-APPROCHE THEMATIQUE

Nous retrouvons dans « l’Etranger » les thèmes du hasard, de la liberté, de la solidarité qui s’imbrique les uns, les autres. Cependant les themes principaux sont celui de l’absurde, de la révolte, de la mort, du bonheur et de l’amitié.

1-L’absurde                                                                                                                              

Les romans, les essais et les pièces de théâtre de Camus sont marqués par sa réflexion philosophique et politique notamment celui de l’absurde. Pour Pierre Louis Rey, l’absurde est une notion que Camus trop intellectuel ne peut pas livrer sous forme d’un essai d’où ce roman, qui est une conceptualisation de l’absurde qui met en évidence un monde injuste où le conformisme est de rigueur, chose que Meursault refuse.

L’Etranger d’Albert Camus (1942), l’un de ses premiers ouvrages, se caractérise par un style extrêmement neutre — une écriture « blanche » — et méthodiquement descriptif qui met en œuvre l’absurde comme réalité inhérente à la condition humaine et constitue le thème central de la philosophie que Camus développe dans un premier temps. C’est précisément ce meurtre gratuit d’un homme sans justification et ce décalage entre l’individu et le monde que se situe la dimension absurde de la condition humaine.

L’absurde comme réalité inhérente à la condition humaine est le thème central de la philosophie que Camus développe dans un premier temps. Le Mythe de Sisyphe, essai sur l’absurde, publié la même année que l’Étranger, aborde cette même idée d’un point de vue théorique : comme Sisyphe, condamné à pousser éternellement son rocher, l’Homme est voué à subir un enchaînement automatique d’expériences absurdes. Mais c’est paradoxalement dans la prise de conscience de cette situation qu’il se libère car, délivré de toute illusion, il peut alors chercher le bonheur en profitant du temps présent. Ainsi, à la fin de l’Étranger, dans sa cellule, la nuit précédant son exécution, Meursault, devenu conscient et libre, profite intensément des derniers instants de sa vie.

2-La révolte et l’engagement

L’absurdité de sa situation pousse progressivement Meusault à la révolte. Meursault est un homme révolté. Son mutisme est une façon pour lui de ne pas jouer le jeu de la société. Et même s’il a l’occasion de s’exprimer, il dit son opposition ou sa négation. Aussi refuse-t-il souvent, en disons “non”.

Même si le monde n’a pas de sens, l’Homme ne saurait se passer d’une éthique ni renoncer à l’action. C’est donc l’engagement que Camus explore dans un second temps. La réflexion sur le thème de la révolte, commencée dans la Peste, est développée dans l’essai l’Homme révolté (1951). Camus y explique que la révolte naît spontanément dès que quelque chose d’humain est nié, opprimé ; elle s’élève, par exemple, contre la tyrannie et la servitude. Parce que la révolte n’est pas un principe abstrait, mais l’action nécessairement limitée d’un individu, elle représente, pour Camus, la seule « valeur médiatrice » permettant de dépasser- provisoirement-l’absurde.

3-La mort

Le thème le plus récurent dans ce roman est celui de la mort. En effet, même si la structure de l’œuvre est binaire, « l’Etranger » est un roman ternaire avec trois morts. Le roman s’ouvre sur la mort de la mère et se ferme sur celle du héros en passant par celle de l’Arabe. La mort de la mère est pour Meursault un non événement, il la banalise et estime qu’elle ne sort pas de l’ordinaire. Quand il évoque, il baigne dans l’imprécision, d’ailleurs le télégramme qui informe est très laconique : « Mère morte hier, enterrement demain ». le héros en parle avec légèreté, car cela ne semble pas capital dans sa vie et son détachement est troublant. Il semble prendre ses distances par rapport à l’événement dont il est pressé de se débarrasser : « Après l’enterrement, ce sera une affaire classée » pense-t-il. Cette mort est pourtant l’occasion pour Meursault de critiquer tout le cérémonial et le rituel installé autour de la mort, ses règles et ses schémas. La mort de l’Arabe, elle est inattendue et pose le problème de l’intentionnalité de l’acte, elle laisse apparaitre l’absurde et l’incohérence. Aucune préparation événementielle ou psychologique ne la laisse envisager : c’est le domaine du hasard, de la fatalité et de l’absurde que semble régir l’existence de l’homme impuissant à infléchir la courbe de son destin. Camus présente les deux morts de manière systématique et évite toute logique entre elles pour mettre en évidence la place importante du mystère qui est en nous et en dehors de nous. Ces deux morts ont une fonction en ce sens qu’elles permettent au héro de prendre conscience de l’importance du corps social dans la vie de l’homme.

Avec la mort de Meursault, Camus semble vouloir démontrer que la lucidité non socialement conditionnée peut être fatale et que l’anticonformisme ne peut pas être un rempart contre l’absurdité de la condition humaine.

4-Le bonheur et l’amitié

Le bonheur et l’amitié sont des notions qui n’ont pas de sens pour Meursault, car elles n’ont pas de pesant dans la vie quotidienne de l’individu puisqu’il va mourir. Ces notions ne changent pas l’existence humaine, c’est pourquoi Meursault refuse son nouveau poste car conscient que cela ne changera en rien dans son existence. Il apparait également presque comme indifférent à la liaison conjugale : « le mariage oui si cela fera plaisir à Marie ». Le thème du hasard est fréquent dans toutes les actions principales. C’est par hasard que Marie rencontre Meursault, c’est par hasard qu’elle l’invite au cinéma ne sachant pas qu’il avait perdu sa mère. La rencontre du héros avec les arabes est également un hasard. La permanence du hasard dans l’œuvre s’explique par l’inadéquation de l’individu avec la société dans laquelle il vit. Il vit une vie à part où l’homme ne peut acquérir le bonheur qui n’est rien d’autre selon Camus qu’un accord entre l’être et son existence.

F-ESPACE ET TEMPS

L’Etranger d’Albert Camus La première partie se déroule principalement à Alger à l’Asile des vieillards à Marengo (80 kilomètres d’Alger) et à la plage où Meursault commet le meurtre. Cette partie dure environ trois semaines.
La deuxième se situe à la prison, la maison d’arrêt et on a le procès de Meursault qui dure un peu plus d’une année.

CONCLUSION

Lire L’Etranger d’Albert Camus, c’est comme voir les deux faces de l’homme : celle qui accepte les incohérences et les écarts du monde, signe d’absurdité et de bizarrerie des comportements et réaction, et celle qui se rebelle contre certaines formes d’expression pour affirmer son altérité, son individualité, sa liberté. D’ailleurs dans son livre La chute Camus fait dire à son personnage, Clamence : “Je fabrique un portrait qui est celui de tous et de personne. Un masque en somme, assez semblable à ceux du carnaval…”.

Aux juges, aux avocats, au prêtre, représentants d’une société acharnée à expliquer et à justifier, CAMUS oppose la simplicité d’un homme à l’existence injustifiable.

L’Etranger d’Albert Camus, Meursault l’est parce qu’il accepte sans poser de questions, la fondamentale irrationalité du monde. Pour l’homme absurde, « tout est égal » dans un monde dont la seule issue est la mort c’est en quoi il menace les valeurs d’une société dont toute la morale est fondée sur le postulat d’un sens. Mefiant vis-à-vis des mots et de leur signification, refusant de vivre dans le faux-semblant, aux valeurs collectives : la famille, l’amour, la réussite sociale. Son apparente insensibilité à l’enterrement de sa mère le condamne. Logique jusqu’au bout, il accepte une mort qui ne fait que radicaliser sa rupture avec ses semblables.


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