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ABBE PREVOST, MANON LESCAUT, 1753

INTRODUCTION

L’Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut, aujourd’hui plus communément appelé Manon Lescaut, est un roman de l’abbé Prévost que la postérité ait reçu comme un chef d’œuvre toujours vivant, faisant partie des Mémoires et Aventures d’un homme de qualité qui s’est retiré du monde (7 volumes, rédigés de 1728 à 1731). Le livre étant jugé scandaleux à deux reprises (1733 et 1735), saisi et condamné à être brûlé, l’auteur publie en 1753, une nouvelle édition de Manon Lescaut revue, corrigée et augmentée d’un épisode important. Les qualités humaines du roman séduisirent rapidement le public et en feront la célébrité.


 Montesquieu ajoute une hasarde réponse en parlant de cette célébrité : “Je ne suis pas étonné que ce roman, dont le héros est un fripon et l’héroïne une catin […] plaise, parce que toutes les mauvaises actions du héros ont pour motif l’amour, qui est toujours un motif noble, quoique la conduite soit basse.

I - BIOGRAPHIE ET BIBLIOGRAPHIE DE L’AUTEUR

Antoine François Prévost, dit d’Exiles, plus connu sous son titre ecclésiastique d’abbé Prévost, né le 1er avril 1697 à Hesdin, est un romancier, historien, journaliste et traducteur français.

Fils de Liévin Prévost, procureur du roi au bailliage d’Hesdin, Prévost fait des études chez les jésuites de La Flèche et de Rouen, avant de s’engager dans l’armée fin 1711. Après avoir commencé un noviciat chez les jésuites, il s’enfuit en Hollande. En 1717, il commence un second noviciat à La Flèche, puis s’engage à nouveau dans l’armée, cette fois comme officier.

En 1718, grâce à la fortune familiale, il s’enfuit en Hollande où on l’accusera plus tard d’y avoir épousé deux femmes ! A la suite d’un chagrin d’amour, il revient à la religion

En 1721, il entre chez les bénédictins de l’abbaye de Saint-Wandrille. Ordonné Prêtre en 1726, il enseigne pendant huit ans à l’Abbaye De Saint-Germain-des-Prés, à Paris. En 1728, il obtient une approbation pour les deux premiers tomes des Mémoires et aventures d’un homme de qualité qui s’est retiré du monde. Entre-temps, ayant pris le nom « Monsieur d’Exiles » par allusion à ses propres périples, il se plonge dans la traduction de la Historia mei temporis du président de Thou et publie la suite en trois volumes des Mémoires et aventures d’un homme de qualité dont le dernier relate l’Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, peut-être inspirée d’une de ses propres aventures et que le parlement de Paris condamnera au feu.

En 1733, criblé de dettes, il retourne à Londres où il fonde le Pour et contre, journal principalement consacré à la connaissance de la littérature et de la culture anglaises, qu’il continuera à éditer de façon presque ininterrompue jusqu’en 1740. En 1734, il négocie son retour chez les bénédictins et effectue un second noviciat de quelques mois au monastère de La Croix-Saint-Leufroy

Il publiera plusieurs autres romans, dont notamment Le Doyen de Killerine (1735-1740) et Histoire d’une Grecque moderne (1740) ; la monumentale Histoire générale des voyages (15 vols., 1746-1759) ; et deux traductions de romans de Samuel Richardson, Lettres anglaises ou histoire de Miss Clarisse Harlove (1751) et Nouvelles lettres anglaises, ou histoire du chevalier Grandisson (1755).

Il passe ses dernières années à Paris et à Saint Firmin (devenu plus tard Vineuil-Saint-Firmin), à côté de Chantilly, et meurt d’une crise d’apoplexie en forêt de Chantilly au retour d’une visite aux bénédictins de Saint-Nicolas-d’Acy.

II – ETUDE DE L’ŒUVRE 

A – RESUME DE L’ŒUVRE

Le roman est présenté comme le récit que le principal personnage a fait lui-même au marquis de Renoncourt. D’une excellente famille des environs d’Amiens, le jeune chevalier Des Grieux achevait sa philosophie dans cette ville quand la rencontre d’une jeune inconnue, dans une auberge, le bouleversa. Aussitôt dominé par le charme de Mlle Manon Lescaut qui lui avoue très vite qu’elle est « flatté d’avoir fait la conquête d’un amant » tel que lui, c’est le coup de foudre. Le chevalier apprend que Manon est envoyée par ses parents au couvent ; la fuite étant l’unique solution pour que Manon échappe à l’avenir qui lui est destiné et qu’ils puissent vivre leur amour, le rendez-vous est donné le lendemain à l’auberge : il trompe ses parents, échappe à son meilleur ami Tiberge.

Peu de temps après leur arrivée à Paris, Des Grieux apprend que Manon reçoit en cachette un riche fermier général, avant d’avoir pu débrouiller ce mystère, il se voit saisi par les laquais de son père et ramené de force chez lui. Il apprend alors que Manon l’a trahi. Accablé par ces révélations, Des Grieux décide d’entrer avec Tiberge au séminaire de Saint-Sulpice. Un an après, il soutient en Sorbonne un exercice public de théologie Manon l’apprend, y assiste et vient le soir même au parloir. Le chevalier est ébloui promptement reconquis. Il s’enfuit sur le champ et va s’installer avec elle au Chaillot. Mais la campagne ne pouvait satisfaire longtemps Manon. Elle veut un logement en ville. Or, elle rencontre un de ses frères, garde du corps à Paris : Lescaut qui ne s’embarrassait pas de scrupules et voulait exploiter les deux amants. Un incendie lui épargne ce soin : Des Grieux y perd tout son avoir. Comprenant que Manon ne supportera pas les privations, il se fait d’abord avancer cent pistoles par le fidèle Tiberge, puis entre, grâce à Lescaut, dans une compagnie de filous, écumeurs de tripots. Il y réussissait brillamment quand ses deux domestiques prennent la fuite avec son argent. Lescaut suggère alors à Manon de recourir aux libéralités d’un vieillard.  Des Grieux se récrie d’abord, mais consent enfin de jouer la comédie pour duper le vieux. La friponnerie est bientôt châtiée.

Manon est enlevée et Des Grieux enfermé à Saint-Lazare. Jouant la soumission, il s’en échappe peu après par la violence, avec l’aide de Lescaut. On avait mis Manon à l’hôpital général. Pour l’en tirer, Des Grieux gagne la confiance et l’amitié du fils d’un des administrateurs. Manon se déguise en homme et réussit à s’échapper. Le soir même, Lescaut est tué par vengeance. Tiberge et l’ami du chevalier leur vienne en aide. La jalousie de Des Grieux est bientôt mise en éveil par l’attitude d’un prince italien. Mais Manon éconduit ce soupirant avec éclat. Le chevalier est pleinement rassuré. C’est alors que, de passage à Chaillot, le fils du vieillard, s’éprend de Manon. Celle-ci persuade à Des Grieux qu’une belle occasion se présente de se venger du père sur le fils. Cependant, elle se laisse offrir un hôtel, un carrosse, de grosses sommes… l’amour du chevalier est de tour en tour ébranlé et raffermi par cette conduite équivoque. Il trouve le moyen de rejoindre Manon, de faire séquestrer le fils du vieillard pendant une nuit, et compte s’échapper avec l’argent. Mais le vieux est mis au courant par un domestique. Sans tarder, il fait arrêter les deux récidivistes qui sont conduits au petit châtelet.

Le père de Des Grieux, inquiet de son fils, venait d’arriver à Paris. Il voit le vieillard, est d’accord avec lui et demande que son fils soit libéré mais que Manon soit déportée immédiatement en Amérique. Quand le jeune homme l’apprend, il entre dans une grande fureur et décide d’enrôler quelques braves pour attaquer le convoi au sortir de Paris. Au moment de l’assaut, les braves font volte-face et disparaissent.

Des Grieux se résigne et suit Manon jusqu’au Nouvelle-Orléans. On les y reçoit avec des égards, et ils pensent mener enfin une vie heureuse et régulière. Mais Synnelet, le neveu du gouverneur, tombe amoureux de Manon et veut l’épouser. Il se bat en duel avec Des Grieux qui le blesse. Croyant l’avoir tué, Des Grieux s’enfuit de nouveau avec Manon dans le désert où la jeune femme, déjà affaiblie, meurt d’épuisement. Des Grieux l’ensevelit, se couche sur sa tombe pour mourir. Retrouvé par Tiberge parti à sa recherche, Des Grieux revient en France neuf mois après la mort de Manon où il apprend la mort de son père par le chagrin.

B – ETUDE THEMATIQUE

Plusieurs thèmes sont abordés à travers le livre. Tout d’abord :

1-La passion :

Elle fait en quelque sorte vivre le roman, tout est une question de passion. Chaque parole et chaque acte sont pratiquement et automatiquement sous le coup de la passion.

A plusieurs reprises, le narrateur indique la difficulté qu’il y a d’échapper à la passion. Cette fatalité s’exprime à travers des métaphores qui font de la passion un coup fatal. La passion amoureuse est présentée à la fois comme une ivresse et un danger.

L’effet de la rencontre est intense et rapide, elle est marquée par le coup de foudre. Ceci est exprimé par plusieurs procédés.

2-La déchéance :

Des Grieux est exploité par le frère de Manon, un fort mauvais sujet, puis ruiné par un incendie. Pour conserver celle qu’il aime, il emprunte et triche au jeu. De connivence avec lui, Manon tente alors de duper un vieux, qui les fera ensuite arrêter. Des Grieux s’évade en tuant un domestique de la prison, il fait évader Manon avec la complicité d’un valet. Tous deux cherche à se venger du vieillard sur la personne de son fils, qui est aussi amoureux de Manon : ils sont de nouveau arrêtés.

3-L’argent :

L’argent participe lui aussi aux différentes péripéties du livre .Manon étant omnibulée par l’argent, invente des stratagèmes. Elle met en scène une ruse pour duper le vieux et son fils avec la complicité de son frère pour lui soutirer de l’argent. Dés l’ouverture du livre on sent la présence de l’argent et de son pouvoir lorsque l’homme de qualité (des Grieux) offre six louis d’or à Manon pour pouvoir l’approcher. Pour Manon l’argent est lié au bonheur puisqu’il peut lui apporter toute sorte de choses comme des bijoux, des vêtements de luxe etc. Mais des Grieux n’est pas en reste qui comme pour Manon, l’argent rend heureux. 

4-L’amitié :

Le portrait tracé d’un ecclésiastique ami intime du chevalier, tout ce qu’il y a de plus sublime, de plus divin de plus attendrissant dans la véritable piété et dans une amitié sincère et sage, l’auteur l’a mis en œuvre, pour bien peindre la bonté, la générosité de Tiberge, le nom de cet excellent ecclésiastique. Des Grieux se résigne et suit Manon jusqu’à le Nouvelle Orléans. On les y reçoit avec des égards, et ils pensent mener enfin une vie heureuse et singulière. Mais Synnelet, le neveu du gouverneur, s’éprend de Manon et veux l’épouser. Un duel où Synnelet reste sur le terrain dénoue brutalement cette nouvelle crise. Manon et le chevalier doivent prendre la fuite. La jeune femme, mourra d’épuisement et Des Grieux sera accusé de s’être débarrassé d’elle. Synnelet cependant s’est remis de sa blessure et obtient la grâce de l’accusé qui rentrera chez lui par une rare amitié.

C – ETUDE DES PERSONNAGES

  • Le chevalier Des Grieux : C’est un jeune homme avec des qualités brillantes, infiniment aimables qui, par une folle passion pour une jeune fille, préfère une vie libertine et vagabonde à tous les avantages que ses talents et sa condition familiale pouvaient lui offrir. Il est un malheureux esclave de l’amour, qui prévoit ses malheurs sans avoir la force de prendre des mesures pour les éviter, qui les sent vivement, qui y est plongé, et qui néglige les moyens de se procure un état plus aisé ; enfin jeune vicieux et vertueux tout ensemble, pensant bien et agissant mal, aimable par ses sentiments, détestable par ses actes.
  • Manon Lescaut : C’est une jeune fille, elle connaît la vertu, elle la goûte même, et cependant elle commet des actions les plus indignes. Elle aime le chevalier avec une passion extrême. Cependant le désir qu’elle a de vivre dans l’abondance et de briller, lui fait trahir ses sentiments pour Des Grieux, auquel elle préfère le riche financier.
  • Tiberge : Ce vertueux ecclésiastique, ami du chevalier, est très admirable. C’est un homme sage, plein de religion et de piété ; un ami tendre et généreux : un cœur toujours compatissant aux faiblesses de son ami. Il est issu d’une famille pauvre mais honorable ; élevé baux frais des parents de Des Grieux, il obtient son mérite.
  • Lescaut : Il est le frère de Manon. Il était garde du corps à Paris. Ce Lescaut ne s’embarrassait pas de scrupules et songeait à exploiter les deux amants, un incendie lui épargne le soin mais il fut tué par vengeance.

D – SIGNIFICATION DU NOM DE L’ŒUVRE

La signification de Manon Lescaut n’est pas discutée dans de longues pages spéculatives, comme celles qui font parfois languir l’intérêt à la lecture ; elle est dans le caractère et les actions des personnages, difficile à démêler comme la vie elle-même. Les problèmes antiques de la liberté et de la fatalité ; les problèmes chrétiens de la grâce et de la providence, les problèmes modernes de la valeur du sentiment non seulement ont leur écho dans ce livre, mais sont à sa base, comme dans les autres livres de Prévost. L’œuvre n’est pas un bilan, mais une découverte qui réfléchit et se juge en se racontant ; c’est une confession.

E – ETUDE DU STYLE

Manon Lescaut a laissé une trace durable dans la littérature française. Jamais roman n’a été aussi loué et aussi critiqué que ce chef-d’œuvre rempli de passion, de douleur et d’amour. Le drame touchant vécu par le « fripon » des Grieux et la « catin » Manon parvient à éviter la réprobation des lecteurs grâce au caractère admirable qui caractérise les passions dans ce court récit si naturel et si vraisemblable qui se déroule avec une rapidité qui tranche avec le reste de l’œuvre de Prévost. L’intrigue de cette histoire remplie de variété et de mouvement sur fond unique de délire et d’amour se développe et s’enchaîne dans un ordre logique et naturel qui donne à chaque nouvel épisode son impression d’authenticité et de vraisemblance. Les deux héros sont présentés avec une netteté lumineuse : séduisants, jeunes et amoureux à outrance, ils se précipitent tête baissée dans leur passion sans ne jamais paraître rien perdre de leur grâce, de leur beauté et de leur esprit. Leur jeunesse et leur innocence ne semblent jamais atteintes par la fange de l’échelle sociale au bas de laquelle se passe une bonne partie de leur histoire. Passant tour à tour, et du jour au lendemain, de la misère à la fortune, du boudoir à la prison, de Paris à la déportation, de l’exil à la mort, des Grieux et Manon n’ont qu’une excuse : l’amour, ce sentiment qui fait oublier que tous deux mentent et volent, que le premier triche et tue ou que la seconde se prostitue. C’est également la conscience de ce sentiment qui fait prendre au lecteur la faiblesse et les inconséquences de des Grieux, ce héros tout à la fois si humain et si démuni face à la tentation amoureuse, en pitié. L’amour, dans Manon Lescaut, est une passion qui se révèle brusquement et qu’il serait vain de chercher à surmonter.

De même, dans cette narration où le fourmillement d’incidents romanesques révèle un souci de la réalité dans ses plus petits détails, le réalisme ne dispute pourtant jamais à l’idéalisme. En dépit de leur caractère éminemment romanesque, les événements de Manon Lescaut ne paraissent jamais enfreindre la vraisemblance comme, par exemple, lorsque des Grieux saisit avec quelle facilité les résolutions les plus fermes s’évanouissent devant le regard d’une femme. La structure psychologique des héros obéit à cette règle : des Grieux réunit en lui une incroyable naïveté et un cynisme grossier tandis que Manon est un esprit pratique doué de bon sens et d’une extraordinaire insouciance. Le commerce de sa personne qu’elle fera, dès que l’argent viendra à manquer au couple, est une fatalité que rien ne peut infléchir car son bien être matériel est une nécessité qui ne saurait souffrir d’entraves. Mais Manon revient toujours à des Grieux, comme il revient à elle, après ses intervalles de retour à ses études et à la théologie. Le chef d’œuvre littéraire de Manon Lescaut finit par naître de la somme des imperfections de des Grieux et de Manon lorsque la vérité de la passion de leurs caractères devient la personnification littéraire de l’amour, fatal et misérable pour l’un, inconstant et frivole pour l’autre mais d’un amour qui finit par trouver, sous le coup du malheur, sa rédemption dans un sentiment sincère et profond inévitablement voué à trouver son dénouement dans la mort.

F – STRUCTURE DE L’ŒUVRE

Cette œuvre a une structure très simple et se divise en deux parties :

  • Première partie qui parle de la première rencontre :

L’homme de qualité reçoit les confidences du chevalier. A 17 ans, ce dernier rencontre dans la cour d’une auberge, une jeune fille de 16 ans. Les deux amants vont s’enfuir et franchir différentes étapes.

  • Deuxième partie: qui évoque toujours le parcours de ces derniers mais avec la venue d’autres évènements rendant le récit beaucoup plus agréable. Elle débute à l’arrivée du prince italien jusqu’à la fin.
CONCLUSION

Un livre qui reste énigmatique, tant il se trouve d’intermédiaires pour raconter le destin de Manon : Des Grieux fait le récit de leurs amours tragiques, censé le retranscrire fidèlement ; Prévost, auteur, prend en charge à son tour le récit du narrateur.

Parmi ces personnages, c’est Des Grieux qui se trouve au centre, partagé entre son amour pour Manon et son amitié pour Tiberge ; il n’hésite pas : Manon représente pour lui le bonheur, même s’il le paie très cher et Tiberge, dès lors, ne sera plus qu’un expédient pour atteindre ce bonheur.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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